Crise énergétique : la méthanisation a-t-elle de l’avenir ?

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Methanisation

Publié le 21 juin 2022

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L’envolée actuelle des prix de l’énergie fait ressurgir les débats sur la production et la consommation d’énergie en France et dans le monde.  

Dans le même temps, les scientifiques du GIEC publient leur nouveau rapport et proposent leurs solutions pour réduire l’impact inéluctable de nos modes de vie sur le réchauffement climatique, intimant les populations et dirigeants à repenser en profondeur l'organisation même de nos modes de vie, de consommation et de production, notamment en matière d’énergie. 

Au milieu du nucléaire, de l’éolien, de l’importation de gaz naturel et d’autres sources d’énergies, renouvelables ou non, un procédé fait peu parler de lui : la méthanisation. Une technologie novatrice, dont la mise en place est croissante dans notre région. Depuis 2015, grâce au soutien de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, Atmo Auvergne-Rhône-Alpes se mobilise autour des enjeux de qualité de l’air liés à la filière méthanisation et contribue à améliorer l’état des connaissances sur cette thématique. 

La méthanisation, une source de biogaz prometteuse

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La méthanisation est une technologie basée sur la dégradation par des micro-organismes de la matière organique en conditions contrôlées et en l’absence d’oxygène. Le résultat de cette fermentation de déchets organiques est la production d’un biogaz, majoritairement composé de méthane (CH4), et d’un digestat, résidu de ce processus. 
 

Processus de méthanisation : des déchets aux différentes voies de valorisations (Source : Auvergne-Rhône-Alpes Energie Environnement)

Processus de méthanisation : des déchets aux différentes voies de valorisations (Source : Auvergne-Rhône-Alpes Energie Environnement)  

La méthanisation apparait comme un procédé de production d’énergie renouvelable prometteur, valorisant les déchets et profitant à une filière agricole qui cherche à augmenter sa contribution dans la lutte pour le réchauffement climatique. Cependant, comme le souligne la charte régionale "ambitions biogaz 2023", il convient de mettre en œuvre un développement de la filière le plus vertueux possible, vis à vis des impacts environnementaux. Les enjeux qualité de l'air et climatiques en font partie. Le rôle d'Atmo AuRA est donc d'apporter des éléments de connaissance complémentaires concernant les émissions atmosphériques liés au processus de méthanisation. Durant l’ensemble du cycle de la méthanisation, du stockage en entrée jusqu’à la valorisation du digestat, il est utile de considérer en particulier les gaz à effet de serre (méthane et protoxyde d’azote) et l’ammoniac (gaz précurseur de particules fines). Il est aussi important de prendre en compte des bénéfices de la méthanisation dans cette démarche, notamment vis-à-vis des émissions atmosphériques de déchets de biomasse qui ne fermentent plus à l’air libre, ou tout simplement les émissions de polluants des carburants fossiles évitées grâce à l’usage du biogaz.  

Ce rapport recense les bénéfices de la méthanisation par une étude bibliographique qui met en évidence que l’évaluation des impacts directs (induits) et indirects (évités) reste actuellement très complexe car pas suffisamment documentée. En effet à chaque étape de la méthanisation, de l’entrée des déchets jusqu’à l’épandage des digestats, les impacts induits ou évités dépendent d’un grand nombre de facteurs (typologie du méthaniseur, valorisation ou non des épandages, …). Toutefois, à titre de comparaison, il faut rappeler que la production, en France, d’un kWh PCI1 de biométhane injecté dans le réseau émet des GES qui représentent en moyenne 23,4 g CO2 eq sur l’ensemble des filières valorisant le biométhane en injection réseau. Comparé à un scénario de référence, cette valeur est presque dix fois inférieure à celle du gaz naturel (227g CO2eq / kWh PCI2) mais comparable à celles des énergies renouvelables (électrique et thermique), confortant ainsi l’intérêt du développement de la filière méthanisation en injection réseau. 

Ambitions biogaz 2023 : une charte pour le développement de la méthanisation en Auvergne-Rhône-Alpes

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La méthanisation est l’une des pierres angulaires du Schéma Régional Biomasse de la Région Auvergne-Rhône-Alpes qui s’engage depuis 2015 en faveur de la production de biogaz et qui a renouvelé cette ambition dans la charte « Auvergne-Rhône-Alpes Ambitions Biogaz 2023 ». Cette charte comporte des objectifs à l’horizon 2023 avec notamment le fonctionnement de 180 unités de méthanisation à fin 2023 (600 unités en 2035), soit 1075 GWh injectés dans le réseau de gaz et 480 GWh valorisés par cogénération d’électricité. La région est très dynamique en faveur d’implantation d’unités de méthanisation avec près d’un tiers des entreprises françaises de la filière biogaz implantées sur son territoire. 

En lien avec le schéma régional biomasse, la région favorise les installations de valorisation de biogaz en biométhane dédié à l’injection dans le réseau de gaz naturel, représentant aujourd’hui déjà 10% de ces installations au niveau national. La région planifie ainsi que le biométhane devienne la 3ème énergie renouvelable en Auvergne-Rhône-Alpes à l’horizon 2035. Une ambition dans laquelle Atmo Auvergne-Rhône-Alpes trouve sa place, pour tenter d’estimer l‘impact de la méthanisation sur les émissions atmosphériques de gaz à effet de serre du point de vue régional, tout en documentant par des mesures sur le terrain les influences possibles de ces installations sur les zones habitées riveraines.  

La Production de biogaz par méthanisation : quelle incidence sur la qualité de l’air ?

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La présente étude complète les précédentes études menées à l’échelle de la région par Atmo Auvergne-Rhône-Alpes sur l’estimation des émissions de méthane générées par la filière méthanisation, en particulier lors de la phase de production de biogaz. D’autres polluants, tels que l’ammoniac, précurseur de particules fines, et le sulfure d’hydrogène ont été suivis car ils présentent un potentiel odorant important. Le suivi de ces polluants, en parallèle du méthane, est également motivé par le manque de données sur leurs émissions aux abords d’unités de méthanisation. 

Une campagne de mesures a donc été réalisée aux abords d’une unité de méthanisation de typologie agricole territoriale : d’abord dans le centre du village, puis à proximité de l’unité. En effet, les sources d’émission du méthane sont nombreuses et diverses, La mise en œuvre des mesures de méthane (CH4), d’ammoniac (NH3), d’hydrogène sulfuré (H2S) et de particules fines (PM10) proche d’une unité de méthanisation a permis de recueillir des premiers éléments concernant les niveaux de concentration environnant ces sites industriels. Cette campagne de mesure a permis d’obtenir un niveau moyen de concentration de méthane aux abords d’une unité de méthanisation de typologie agricole territoriale : 1523 μg.m-3 à proximité de l’unité et 1398 μg.m-3 dans le centre du village. Ces valeurs sont comparables à celles mesurées sur d’autres sites : 1594 μg.m-3 (site industriel), 1369 μg.m-3 (site rurale) et 1320 μg.m-3 (site urbain) ; et doivent être rapprochées à la valeur moyenne de 1246 μg.m-3, mesurée dans l’air ambiant en 2018 à l’échelle du globe terrestre par les réseaux internationaux. Comparativement, lors d’une étude en 2018, Atmo-AuRA mesurait, sur un site en proximité d’installations de traitement de déchets, des valeurs de concentration de méthane dans l’air pouvant aller jusqu’à 8000 μg.m-3. En parallèle, les mesures d’ammoniac, d’hydrogène sulfuré et de particules ne montrent pas de différences significatives entre le centre du village et à proximité de l’unité, ce qui implique de renouveler ces investigations en 2022 sur d’autres sites, agricoles ou industriels. 

Vers une meilleure estimation des émissions régionales de méthane

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En complément de cette campagne, l’estimation des émissions de méthane liées à l’activité de méthanisation a été précisée par Atmo AuRA confirmant un chiffre de l’ordre de 3 150 tonnes émises dans l’atmosphère durant une année. Cela représente environ 1% des émissions totales de méthane en région, par rapport à toutes les autres sources recensées sur le territoire régional. Ce volet d’étude permet donc aujourd’hui d’intégrer ces émissions de méthane dans l’inventaire régional spatialisé des polluants atmosphériques et surtout de confirmer qu’en terme d’émissions de méthane, l’enjeu est faible, même s’il reste indispensable de toujours viser la meilleure maîtrise des installations.  

Quelle évolution pour l’avenir ?

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Ces prochaines années, le nombre d’installations de méthanisation sera amené à croître et avec, les émissions de méthane probablement. Dans un contexte de croissance du parc d’installations de méthanisation, l’amélioration continue de la conception, de la construction et de la bonne conduite des installations permettraient de limiter l’augmentation des émissions de méthane. En prenant comme hypothèse une simple augmentation du parc des installations de méthanisation sans tenir compte d’une amélioration de leur construction, les quantifications des émissions de méthane en 2023 et 2035 représenteraient 1% et 3%, respectivement, des émissions totales de la région Auvergne-Rhône-Alpes, tous secteurs d’activités confondus. Cette augmentation reste ainsi encore relativement faible au regard des émissions de méthane des autres secteurs d’activités. 

A ce jour, Atmo AuRA s’est intéressée au méthane mais le protoxyde d’azote (N2O) et l’ammoniac (NH3) constituent des polluants à enjeux sur lesquels il est important de disposer de plus d’information. Le N2O est un puissant gaz à effet de serre tandis que l’ammoniac, par réaction avec les oxydes d’azote, peut contribuer à la formation de particules fines. Au sein même d’une unité de méthanisation, ces composés peuvent être émis en différents endroits et en des proportions qui peuvent dépendre d’un grand nombre de facteurs. Il y a en effet un manque de connaissance sur les émissions de N2O et de NH3 générées par la filière méthanisation, notamment durant la phase de valorisation du digestat.  

En 2022, la Région Auvergne-Rhône-Alpes renouvelle son engagement auprès d’Atmo AuRA afin de poursuivre les investigations de ces enjeux à l’échelle régionale comme au niveau national. 

[1] kWh PCI : quantité de chaleur dégagée par la combustion d’une unité de combustible. Le pouvoir calorifique inférieur d'un combustible est le paramètre caractéristique de chaque énergie, cette grandeur – exprimée en kJ/l (PCI volumique) ou en kJ/kg (PCI massique) – caractérise la quantité d’énergie fournie par le carburant considéré.

2g CO2eq / kWh PCI :  Cette unité traduit l’impact en Gaz à Effet de Serre induit par la production d’un kWh PCI.

 

Région Auvergne-Rhône-Alpes

Rapport final Méthanisation 2021

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